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Avantages et risques des mesures monétaires et budgétaires de grande ampleur destinées à apaiser les marchés financiers

By Ipek Ozkardeskaya
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Le coup de tabac boursier intervenu la semaine dernière a amené les banques centrales à agir avant que les indicateurs économiques affectés par l'épidémie de coronavirus commencent à se faire jour.

La Réserve fédérale (Fed) a annoncé mardi une baisse surprise de 50 points de base. Même Goldman Sachs, qui avait appelé à une action de ce type avant la réunion des 15 et 16 mars du FOMC, ne s'attendait pas à ce qu'elle survienne si vite.

La banque centrale des EAU et la Banque du Canada (BoC) ont également procédé à une réduction d'un demi-point après le geste de la Fed.

De son côté, la Reserve Bank of Australia (RBA) a ramené son principal taux directeur au plancher historique de 0.50% deux heures avant la Fed.

La Banque du Japon (BoJ) et la Banque centrale européenne (BCE) se sont dites prêtes à agir si nécessaire, bien que ces institutions disposent d'une marge de manœuvre nettement plus limitée que leurs homologues.

Le prochain gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE) Andrew Bailey est cependant allé à contre-courant, en déclarant avoir besoin de davantage de données pour juger de l'impact de l'épidémie. Goldman Sachs, qui avait prédit l'intervention inattendue de la Fed, anticipe cependant une diminution de 50 points de base lors de la réunion de mars de la BoE, car l'épidémie pourrait "amener l'économie britannique au bord de la récession" et "le MPC possède la latitude nécessaire pour assouplir sa politique monétaire à l'image des autres grandes banques centrales". M. Bailey prendra la tête de la BoE le 16 mars et pourrait procéder à sa première réduction des taux à l'occasion du rendez-vous du MPC du 26 mars.

Outre les actions des banques centrales, les responsables du G7 ont publié un communiqué conjoint assurant qu'ils mettraient en place des mesures de relance budgétaire pour soutenir les économies.

Mercredi, le Congrès américain a annoncé à son tour un financement d'urgence de 7.8 milliards $ pour lutter contre le ralentissement économique dû au virus. C'est le triple du montant suggéré par le président Donald Trump.

Malheureusement, l'ensemble des initiatives monétaires et budgétaires prises dans les grandes économies n'a pas réussi à déclencher un rebond durable sur les marchés actions. Les investisseurs semblent plus inquiets que rassurés par la multiplication des réductions de taux des banques centrales et des mesures de soutien budgétaire.

Pourquoi ?

Il est difficile de savoir pourquoi le marché a si mal accueilli les assouplissements monétaires. L'une des explications plausibles est que la baisse des taux d'emprunt ne permettrait pas de remédier aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement qui ont plombé l'activité depuis janvier et devraient peser lourdement sur les résultats des entreprises au premier trimestre. D'autre part, les taux d'intérêt sont si bas que le manque d'envie d'emprunter n'est manifestement pas un problème de coût.

Par ailleurs, le geste étonnamment rapide de la Fed a peut-être été maladroit. Comme la banque centrale pourrait avoir des informations sur l'économie dont le marché ne dispose pas, les investisseurs auraient interprété son intervention comme une réaction de panique face à un problème plus grave dont ils n'ont pas encore connaissance. De ce fait, l'inquiétude de la Fed peut avoir provoqué un malaise chez les investisseurs, qui auraient vu dans la réduction d'un demi-point, contrairement aux 25 points de base habituels, le signe qu'un réel danger menaçait l'économie.

Plus important encore, les investisseurs estiment à présent que la stimulation monétaire ne suffit plus, à elle seule, à relancer l'activité. Il est temps que les gouvernements interviennent et agissent de concert avec les banques centrales pour améliorer la conjoncture. Les promesses doivent donc être suivies d'actions concrètes. Et nous ne sommes pas certains que les gouvernements européens soient en mesure de mettre en œuvre des politiques budgétaires expansionnistes efficaces.

Que va-t-il se passer ensuite ?

La Fed devrait procéder à une nouvelle baisse des taux lors de sa réunion des 15 et 16 mars.

L'activité sur le marché de la dette souveraine américaine laisse penser que les probabilités d'une réduction de 25 ou de 50 points de base se situent à 66% et 34% respectivement, à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Nous ne sommes pas sûrs que la Banque centrale européenne (BCE) et les gouvernements européens desserrent les cordons de leur bourse comme l'ont fait les Etats-Unis, mais le vice-président de la BCE Luis De Guindos a réaffirmé lundi que la politique budgétaire était la réponse appropriée. "On ne peut pas toujours demander aux banques centrales de régler les problèmes", a-t-il déclaré.

Il n'en reste pas moins que d'après les données compilées par Bloomberg, le marché s'attend à une réduction de 10 points de base lors de la prochaine réunion de la BCE et de 20 points de base au total d'ici la fin de l'année.

Quel est le risque ?

Il est bon que les banques centrales et les gouvernements agissent pour combattre les effets négatifs du coronavirus sur l'économie. Si les perturbations liées à l'épidémie porteront certainement un coup dur à la croissance mondiale, nous n'avons pas encore vu de données à ce sujet.

Le risque tient à ce que lorsque les données commenceront à émerger, les banques centrales et les gouvernements aient déjà joué leur joker et ne disposent plus que d'une marge de manœuvre réduite pour faire face aux nouveaux vents contraires.