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Les principaux moteurs de la ruée vers l'or

By Ipek Ozkardeskaya
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L'or a effacé la résistance des 1800 $ l'once pour inscrire un sommet de huit ans cette semaine, les investisseurs s'étant massivement tournés vers le métal précieux malgré la résilience de l'appétit pour le risque et le rebond durable des Bourses mondiales.

La demande d'or reste robuste, que le marché soit perturbé ou non. La corrélation négative entre le métal jaune et les actifs risqués n'est plus un fait acquis. Au contraire, le rebond boursier qui a suivi la déroute de mars a donné un coup de pouce supplémentaire aux cours aurifères. Les investisseurs ont accru tant leurs avoirs en or, que leurs positions risquées. Et les grandes banques, dont Goldman Sachs et Citigroup, s'attendent à voir l'once casser son record de 2011, soit 1920 $, pour atteindre 2000 $.

Est-ce possible ?

Deux moteurs solides alimentent la valorisation haussière de l'or : la montée des attentes d'inflation et la baisse des rendements souverains.

L'or s'est avéré être une couverture efficace contre l'inflation sur le long terme, principalement pour des raisons historiques. Par le passé, les banques détenaient de l'or physique pour adosser leur offre monétaire. Par conséquent, les politiques monétaires expansionnistes qui tendent à accroître les pressions inflationnistes requéraient une augmentation parallèle des réserves aurifères et poussaient l'once à la hausse. L'or offrait donc une bonne protection contre l'inflation.

Aujourd'hui, il n'existe plus de relation établie entre le métal jaune et la masse monétaire, sinon il n'y aurait pas assez d'or sur la planète compte tenu de l'expansion monétaire massive en cours depuis plus d'une décennie.

Les grandes banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre (BoE) et la Banque du Japon (BoJ), ont considérablement augmenté leur bilan afin d'accroître les liquidités sur les marchés financiers, dans l'espoir d'améliorer l'activité des entreprises, de nourrir la croissance et de porter l'inflation des prix à la consommation vers l'objectif des banques centrales. Dans les économies développées, ce dernier est proche de 2 %, ce qui est considéré comme un niveau sain pour soutenir l'activité économique sous-jacente.

Le bilan de la Fed est ainsi passé de 1000 à plus de 7000 milliards de dollars depuis 2008, soit 33 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis. Les bilans de la BoE, de la BCE et de la BoJ représentent respectivement 31 % du PIB britannique, 53 % du PIB de la zone euro et 119 % du PIB nippon.

Dans certains pays, tels les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, les politiques monétaires expansionnistes ont stimulé l'inflation, dont le niveau n'a toutefois pas dépassé l'objectif de 2 % malgré les injections massives de liquidités dans le système financier. Au Japon et en zone euro, l'inflation ne s'est jamais réellement redressée, ce qui a renforcé la position des banques centrales concernées en faveur d'un accroissement de l'assouplissement quantitatif.

Aujourd'hui, même si les perspectives d'inflation restent faibles, les politiques monétaires ultra-accommodantes continuent de tirer les rendements souverains à des niveaux tellement bas que la moindre pression inflationniste est susceptible de pousser les taux réels en territoire négatif, s'ils ne s'y trouvent déjà. Les rendements souverains refuges intéressent donc de moins en moins les investisseurs. Par la même occasion, il y a réduction du coût d'opportunité de la détention d'or, qui n'est pas un actif porteur d'intérêts.

En résumé, le faible coût d'opportunité de la détention d'or et le risque de voir les rendements souverains réels tomber en territoire négatif sous l'effet de la moindre poussée inflationniste fournissent des bases solides à la vigueur de l'or.

De plus, il est indéniable que l'inflation des cours des actions résulte des interventions massives des banques centrales du monde entier. Il existe un risque accru d'éclatement soudain de la bulle boursière mondiale. La hausse des Bourses ne s'accompagne pas toujours d'un solide appétit pour le risque, ce qui explique pourquoi la corrélation négative entre le métal jaune et les prix des actions ne tient plus.

Pour en revenir à notre question sur la possibilité d'une poursuite de la progression de l'once vers les 2000 $, la réponse est oui, les cours de l'or pourraient continuer de monter. Et au vu des conditions de marché sous-jacentes – expansion monétaire massive, taux nuls ou négatifs, hausse des risques pesant sur la croissance mondiale –, de nouveaux sommets historiques n'auraient rien de surprenant.

De fait, si les cours des actions sont valorisés à leurs plus hauts historiques en dépit de la morosité de la conjoncture sous-jacente, l'or pourrait alors viser un record inédit à son tour.

Néanmoins, les données de la CFTC suggèrent que les positions longues spéculatives nettes sur l'or se situent à de très hauts niveaux. Autrement dit, il existe un risque élevé de correction baissière brutale si les investisseurs décident de prendre leurs bénéfices. À cet égard, comme nous l'avons vu en 2011, une vive correction à la baisse de l'or paraît inévitable et les prix pourraient très vite retomber vers les 1500 $. Le timing est toutefois incertain. Le métal précieux pourrait bien s'approcher des 2000 $ avant qu'une forte correction se produise.